A.N.A.
A.N.A.
Avec Nos Aînées
Résidence pour femmes en fin d’activité prostitutionnelle
Analyse du contexte
Qui
sont-elles ces Femmes entre 60 et plus de 80 ans ? Nous les voyons encore
et toujours sur le trottoir, depuis 30 ou 40 ans.
Vous
penserez : « Pourquoi sont-elles toujours là ? »
Pour
ce qui me concerne, le problème est tout autre : je dirais plutôt « Que
deviennent-elles ? Et que vont-elles devenir ? »
Il
est vrai que jamais personne ne s’en est vraiment occupé, ni préoccupé. Il n’y a
rien, pas d’écrits, pas de documentation, rien… Sauf les fameuses ordonnances
de 1960 qui ne sont quasiment pas appliquées.
Je
ne peux m’empêcher de penser à certaines d’entre elles qui ne sont plus[1].Elles
nous ont quittés, oui, mais dans quelles conditions ?
Et
maintenant, que faire pour celles qui sont encore toujours présentes, discrètes
et silencieuses, voile de pudeur et de dignité, celles qui ne demandent
jamais rien ?
Ces
femmes ont chacune un parcours différent. Elles ont été marginalisées depuis si
longtemps, mises en marge de fait, vivant hors du Droit commun, qu’elles sont
évidemment devenues marginales, contre leur gré… Alors pour leurs « vieux jours
», aucune maison de retraite classique, aucune infrastructure actuelle ne
saurait leur convenir. Il est enfin temps de leur donner les moyens de mener
une vie plus classique que celle qui a été la leur, en leur permettant justement,
de relever du Droit commun.
Pour
l’instant elles ne possèdent plus que leur liberté, lourde et rude, rarement
joyeuse. Et ce n’est pas un hasard si elles sont toujours sur le
trottoir : la vie ne leur laisse pas d’autre alternative.
Et
pourtant au Bois de Boulogne ou de Vincennes, ou dans les rues de Paris, les
nuits sont froides et de moins en moins sûres. Les clients se font rares, il
faut donc baisser les tarifs au minimum, et accepter quelquefois des rapports
non protégés qui sont exigés. Il faut subsister, elles acceptent donc des
conditions autrefois impensables.
Pour
certaines, elles sont atteintes de pathologies liées à leur âge avancé,
maladies osseuses etc., et d’autres, de maladies telles le cancer, le diabète
etc. Et quelquefois c’est le chemin de la déchéance, de la clochardisation, de
l’alcoolisme, l’abandon total …
Mais
la plus douloureuse des maladies, c’est bien la solitude insidieuse, sournoise,
qui s’installe peu à peu, et l’on voit de coin en coin ces femmes isolées. Car
malgré tout, c’est bien toujours sur le trottoir que l’on va avoir l’impression
de se sentir moins seule : un vieux client qui offre un verre au bar le
plus proche, une vieille copine avec laquelle on peut encore bavarder un peu…
Pourquoi ces femmes sont-elles
toujours sur le bitume ?
Certaines
ont un ami, un amour, et puis le compagnon – marginal lui aussi, est
« tombé » en prison, souvent pour de lourdes peines. Quelquefois 15 à
20 ans de placard, et elles sont restées à l’attendre, à les
« assister » en prison. Elles ont travaillé, mettant de l’argent à
gauche, ou achetant un petit commerce au nom du compagnon, et attendant la sortie
du bien-aimé. Elles croyaient l’enfer terminé, et en fait le gentil compagnon à
sa sortie raflait tout le magot, se faisant la malle avec une jeunesse – qu’il
épousait, bien souvent. Et l’on voyait revenir ces femmes, avec 20 ans de plus
sur leur visage, et qui tentaient de se refaire – mais on ne se refait jamais
d’un coup pareil
D’autres
ont travaillé tout aussi longtemps dans l’espoir de se retirer un jour, et de
refaire une autre vie, mais le fisc leur est tombé dessus, leur a tout pris, en
se basant sur le « train de vie », les signes extérieurs de richesse,
mais jamais un redressement indiquant nommément une imposition sur le revenu professionnel
de la prostitution… Oui, imposées sur le train de vie, souvent à la tête de la
cliente. Alors ayant tout perdu, elles se résignent à retourner sur le
trottoir, et s’y trouvent encore.
Des
exemples de ce genre, il y en a des dizaines.
Il
y a aussi toutes les autres qui n’ont pas jugé utile de mettre de l’argent de
côté – on ne voit pas le temps passer : je sais, j’appartiens à cette
catégorie.
Cela
pourrait sembler être de la littérature, c’est pourtant la réalité.
Comment
peut-on tolérer dans une société dite avancée, que des femmes âgées, et / ou
malades, soient dans l’obligation de continuer à se prostituer ? Cela rejoint
quelque part l’esclavage.
Etant
donné le manque de revenus, ou la modicité de ce qu’elles perçoivent, où
peuvent-elles atterrir, sinon dans des hôtels minables et insalubres, pis
encore, à l’hospice ? Et comme on le sait, dans des conditions physiques,
morales et mentales qui sont déplorables.
Définition
des objectifs
Amélioration
des conditions de vie grâce à
1/
un véritable chez elles
2/
un bon encouragement, une infrastructure solide pour l’écoute, l’accompagnement
quel qu’il soit – et jusqu’au bout du voyage… Donc rupture de la solitude,
restitution de la dignité.
3/
une prise en charge totale pour établir un véritable bilan de santé, un réel
suivi tant sur le plan physique que moral.
Deux objectifs à mettre en place
Rechercher, avec l’aide des partenaires, une
quinzaine de chambres.
L’idéal
reste un immeuble entier, voué à la réhabilitation ou fermé depuis de longues
années pour des problèmes de salubrité, d’indivision ou de déshérence. Ce qui
suppose un investissement en matière de travaux et d’aménagement de l’espace.
On
proposera aux «candidates» une superficie de studio, soit environ 20 m², aux
normes des maisons de retraite classiques, avec salle d’eau, WC, cuisine à
l’américaine, petit dressing.
Au
rez-de-chaussée de l’immeuble, un bureau d’accueil tenu par les salariés de
l’association, un salon assez vaste, un coin bistrot à l’ancienne, pour
partager un thé avec les copines, et une superficie dévolue à des projections
de films, espace télé, ateliers de couture ou autres, des mini-spectacles
mensuels, et une petite bibliothèque.
Engager une accueillante issue de la communauté, permettant
ainsi de réinsérer des femmes désireuses de quitter la prostitution.
Bien
évidemment dans un premier temps le personnel sur place sera limité à deux
personnes de terrain.
Pour
ce qui concerne le suivi de santé, des professionnels de santé, médecins
généralistes, spécialistes, et psychologue, se sont déjà spontanément proposés
pour accueillir les résidentes dans le cadre de leur propre structure.
Financement
par les personnes résidentes
Chaque
hôte de la résidence versera un loyer en fonction de ses revenus et de l’APL,
démarchée auprès de la CAF à l’aide des conseils de l’assistant social qui nous
accompagne déjà.
Règlement
intérieur
Les
locataires restent libres et indépendantes de tous leurs mouvements – à
l’intérieur des lieux comme à l’extérieur.
Pour
celles qui possèdent un compagnon à quatre pattes ou des oiseaux, il est
essentiel qu’elles les gardent avec elles, elles s’en occuperont ‑ sauf en cas
de problème majeur, auquel cas il y aura forcément des personnes de la
communauté qui les aideront. On connaît l’attachement tout particulier de
ces femmes marginalisées aux chiens, chats, oiseaux, compagnie indéfectible de
leur solitude. Il est essentiel de ne pas créer de rupture.
Elles
pourront également apporter des meubles personnels.
Seul
interdit : aucune visite ne sera
autorisée en dehors du salon, qui sera le lieu d’accueil général. Les visites
familiales ou autres se font de jour, jamais de nuit – il faut ainsi éviter le
risque minime soit, mais on ne sait jamais, que la tentation vienne de faire monter
un client de temps à autre… et faire savoir dès les premières rencontres avec
les candidates, qu’on sera très ferme à ce sujet.
Pour
ce qui concerne l’entretien des studios, il sera pris en charge entièrement par
leurs habitantes, sauf en cas d’impossibilité physique, auquel cas la personne
engagée pour l’entretien des lieux – salon, escaliers, poubelles, etc., s’en
occupera ponctuellement.
Partenariats
envisagés
DASS
de Paris
Mairie
de Paris
Mairie
de l’arrondissement concerné
Centre
Moulin Joly – Centre Croix Rouge (qui nous accueille déjà)
Conseil
Régional
Personnes
physiques indépendantes, artistes, etc.
Financeurs
envisagés
DASS
Mairie
de Paris
Mairie
d’arrondissement
ELCS
Sidaction
Archevêché
de Paris
Anciennes
prostituées possédantes
Sponsors
démarchés par l’équipe
Évaluation
du projet
Coût
du projet
Compte
tenu de l’apport des loyers par les personnes résidantes, ce projet ne coûtera
pas très cher à moyen terme.
La
réhabilitation d’un ancien hôtel ou d’un vieil immeuble non occupé, qui ne
rapporte rien et reste une charge pour son propriétaire en matière d’entretien
et de taxes foncières et d’habitation, sera dans un premier temps une source de
dépenses, mais on doit la considérer comme un investissement, puisque ce sera
une remise en valeur immobilière.
Dépenses
Rénovation
de l’immeuble dans son entièreté, mise en conformité avec les
règles de sécurité.
Aménagement
des studios.
Installation
d’un interphone-digicode
Aménagement
du rez-de-chaussée, bureau, salon, et toilettes.
Fonctionnement
général
Masse
salariale : un chef de projet et
directrice des lieux à temps plein
Une
personne chargée des relations extérieures à temps plein
Une accueillante à temps plein, pour maintenir la permanence
d’accueil
Une femme ou un homme de ménage à mi-temps
Un ou une comptable à 1/5 de temps
Rentrées hors financeurs
Les loyers des résidentes
Les dons de personnes sympathisantes
Organisation de spectacles avec des célébrités dans des salles
parisiennes
Les assistants sociaux qui sont déjà à nos côtés guideront les
résidentes dans leurs différentes démarches, obtention du Fonds National de
Solidarité, ouverture aux droits médicaux via la CMU, APL.
La réalisation de ce projet permettra de mettre fin à des
situations de misère et donnera à ces femmes les moyens légaux de devenir des
citoyennes à part entière. Après tout, nous serons enfin dans la droite ligne
des Ordonnances de 1960, qui sont censées aider les femmes de la prostitution à
redevenir des personnes « comme les autres », dès lors qu’elles en
expriment l’envie ou le besoin.
Gabrielle Partenza
Présidente de l’A.N.A. Avec Nos Aînées, Association loi 1901
Tel. : 01 46 71 44 63 - 06 19 48 01 88
Courriel : gabrielle.partenza@orange.fr
[1] Voir les témoignages joints